Une cinquième étudiante va porter plainte pour agression sexuelle suite à des palpations pratiquées par des policiers lors d'une manifestation le 14 mars dernier. Deux étudiantes nous racontent ce qu'elles ont subi en marge du rassemblement.
Les faits se sont déroulés le mardi 14 mars. Des policiers sont intervenus à la fin d'un barrage filtrant organisé par des syndicats et des étudiants sur le périphérique nantais.
Quatre jeunes filles ont porté plainte dans les jours qui ont suivi, estimant que les fouilles qu'elles ont subies sur place lors de ce contrôle s'apparentaient à des violences sexuelles. Une cinquième étudiante va porter plainte.
Une palpation à même la peau, dans leurs sous-vêtements
Lors du contrôle d'identité "les quatre filles ont été exfiltrées (du groupe de manifestants), rapporte Anne Bouillon, mandatée par l'une des plaignantes, et amenées derrière un rideau de CRS et de véhicules. La policière a mis sa main (gantée) dans le pantalon et le sous-vêtement (d'une des deux jeunes filles que défend l'avocate nantaise). Une fois, deux fois, trois fois. Une palpation à même la peau !"
Pour l'avocate, "il y avait clairement l'intention de porter atteinte".
Anne Bouillon dit n'avoir aucune raison de mettre en doute les accusations de sa cliente.
Ce sont des jeunes femmes anéanties par le caractère injustifiable de ce qu'elles ont subi.
Anne BouillonAvocate
"J'ai vu des jeunes femmes en pleurs, profondément choquées. Est-ce qu'il y avait une intention sexuelle ? Je n'en sais rien. Mais il y avait intention de porter atteinte", dénonce Anne Bouillon.
Nous avons rencontré trois de ces étudiantes lundi 20 mars. Elles souhaitent toutes garder l'anonymat. Attention, certains de leurs propos peuvent choquer.
"À quel moment je vais cacher des papiers d'identité à l'intérieur de mon vagin ?"
L'une des étudiantes raconte avoir été traînée sur le sol, avant de faire un malaise. "Je me suis réveillée parce qu'ils ont commencé à me traîner par la capuche et ça m'a étranglé". Au sol, "j'ai pris un coup de pied par un flic qui a dit 'ah ça c'est une meuf, c'est une chatte, c'est pour toi', en parlant à sa collègue".
La jeune femme a ensuite été fouillée par une policière qui, à plusieurs reprises, a passé ses mains sous son pantalon, "aussi sous mes sous-vêtements, (elle) m'a attrapé les fesses".
La jeune femme dit également avoir subi "une palpation en partant de l'entrée du vagin jusqu'au dessus du pubis, et puis elle y est revenue mais cette fois-ci, c'était intra vaginal".
J'ai eu l'impression de me prendre au moins deux doigts tellement j'ai eu mal et tellement c'était terrifiant
Une des étudiantes agressées
"Je rappelle que la fouille en question c'était pour trouver des papiers d'identité, souligne la jeune fille, à quel moment je vais cacher des papiers d'identité à l'intérieur de mon vagin ?"
Témoignage similaire d'une deuxième étudiante qui dit également avoir été "arrachée, tirée, poussée, jusqu'à derrière une barrière où la policière, sans me prévenir aucunement de ce qu'elle allait me faire, juste avec des collègues à elle qui me tenaient les bras, m'a fouillé le haut du corps et est passée beaucoup trop de fois sur ma poitrine".
"Encore une fois sans me prévenir, elle a passé sa main sous mon jean et mon short de sport que je portais en dessous, poursuit la jeune femme, à travers les sous-vêtements que je portais, j'ai senti ses doigts s'insérer dans la fente de mon appareil génital", tout en insultant l'étudiante, "elle me disait que j'étais dégueulasse, qu'on était transpirantes, qu'on ne se lavait pas".
J'ai pris beaucoup de temps à réaliser ce qui venait de se passer, ça m'a pris plusieurs heures, quand je l'ai réalisé, j'étais en pleurs
Une des étudiantes agressées
La jeune femme a consulté un médecin qui lui a dit qu'elle se trouvait en état de stress post-traumatique.
Deux des étudiantes ont pour avocate Anne Bouillon, deux autres sont représentées par Aurélie Rolland.
"On a vraiment les moyens de faire ce qu'il faut pour ne plus que ça recommence, c'est tout ce qu'on veut, juste que ça n'arrive plus à personne".
Vraiment le seul objectif de cette opération, c'était de nous humilier, nous terroriser
Une des étudiantes agressées
"Ils vont payer pour ce qu'ils ont fait, ce dont il faut se rendre compte, c'est que ces techniques d'humiliation, c'est des techniques de soldats, dit l'une des étudiantes, on n'est pas en guerre. On est simplement des étudiants qui veulent faire valoir leurs droits."
Un jeune homme a également été agressé mais n'a pas porté plainte. Il explique avoir été arrêté, "violemment trainé au sol, roué de coups, les policiers m'ont mis des coups de pieds dans la tête, m'ont fait des clés de bras".
La police des polices saisie
L’IGPN (Inspection générale de la Police Nationale) s’est déplacée à Nantes vendredi 17 mars.
"Cette saisine de l’IGPN a pour but de bénéficier de la compétence d’un service extérieur, a déclaré le procureur de la République de Nantes, Renaud Gaudeul, mais à ce stade-là je n’en tire aucune conclusion."
Plusieurs syndicats et associations ont fait savoir qu'ils dénonçaient ces faits.